Constance au crépuscule

Avec un titre pareil, on s’attendrait à une idylle romantique. C’est d’ailleurs un peu ça. Constance , c’est notre amandier et le crépuscule, l’heure où la lumière est la plus belle au jardin de l’Aspre.
Les premières fleurs de Constance signent le début incontestable du printemps et à les découvrir , j’ai chaque année le coeur qui s’emballe et les genoux mous !
On s’en est encore une fois sorti , de cet hiver, de la petite mort végétale, de cette lumière froide et minimale. Celui-ci a été affreux, à tous points de vue, un grand soulagement m’envahit ce soir.
Mon baiser sur la première fleur de Constance depuis presque 10 ans, confirme le pacte d’amour que j’ai passé avec ce jardin!
Quand j’y suis arrivée, Constance n’était pas là ou si plutôt mais plus que discrète, inexistante dès le mois d’avril, petit rejet perdu dans les hautes herbes, elle était rabattue au sol!
C’est par hasard qu’un soir comme celui-ci, je l’ai repérée, pas à ses fleurs, elle était trop petite, à la forme de ses feuilles minuscules, à son bois noir et luisant.
Constance est bien plus grande que moi à présent, elle nous offre chaque année des amandes à foison et très souvent philippines, sa floraison est tardive mais ses fleurs sont grandes et d’un délicat rose tendre. De son incognito, elle garde un tronc tordu et bizarre mais a su rester élégante.
J’ai passé bien des heures au jardin aujourd’hui, ce matin dos à la Tramontane à désherber les gradins où la terre trempée me donnait l’onglée, cette après-midi sous le bouleau à établir ce massif surélevé et ce banc d’aromatiques dont j’ai le projet depuis si longtemps. J’y ai planté une jaborosa integrifolia, des tiarellas ‘Spring Symphony’, rempoté de la menthe verte et de l’estragon et nettoyé, ratissé, empli des containers de déchets, transporté des llauses pour cerner le massif, prélevé des boutures racinées de lierre panaché et encore mille autres choses. J’ai salué mon chardonneret favori et regretté de n’avoir pas revu le tarin des aulnes aperçu hier.
Après un dernier tour de jardin, où les pensées râlent après les trombes d’eau qui salissent leurs robes de velours, j ‘ai terminé juste avant la tombée de la nuit sous des gouttes glacées portées par le vent et j’avoue que malgré ma fatigue, je suis ce soir, ravie!
Mars nous apportera sans doute encore des jours froids, les mauvaises langues disent même de la neige mais il flottait dans l’air ce soir un parfum que je vous laisse deviner, oui…c’est arrivé, ils sont en fleurs!

Published in: on mars 4, 2010 at 6:52  Comments (4)  
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Rien qu’une paire de gants!

Bien peu de mots à écrire ces derniers jours ou plutôt trop et pas de temps pour le faire.
Dix ans de vie dans un jardin laissent des traces, dans le jardin en question et en soi-même aussi.
Mes projets ont changé, mes possibilités aussi, je ne rêve plus aussi haut, ces temps-ci.
Où est parti mon bel enthousiasme? Comment ai-je pu imaginer tant de choses pour ce lieu, tant de réalisations, de créations, de mises en valeur?
Ces derniers jours, j’ai beaucoup travaillé sur mes photos, numériques pour l’instant mais qui ne concernent que les quatre dernières années. Les premières traces de ma rencontre avec ce jardin sont des photos argentiques, parfois même en noir et blanc et puis il y a aussi les photos d’avant ces dix ans, lorsque j’ignorai jusqu’à son existence…
Pourquoi, lorsque j’ai découvert ce lieu , cerné d’un tour de fenêtre en aluminium, ai-je pensé aussitôt que je devais venir y vivre, que ma place était là? Reconnait-on vraiment certains lieux? Je suis bien trop cartésienne pour écrire cela. Ce n’était alors pas même une friche, des traces humaines que l’Aspre se hâtait de faire disparaître, un semblant de chemin mais des roses ausi, un cordon de vigne, des piquets de clôture disséminés un peu partout, des fruitiers laissés à eux-mêmes, du lierre envahissant , une haie de berbéris, un tilleul qui ne se décidait pas à démarrer et puis tant d’autres végétaux ici ou là . Ils me parlaient déjà à l’oreille comme ils m’interpellent toujours, ils ont toujours tant à dire. Pourquoi me suis-je laissée envoûter, et ces chênes au fond du jardin, de l’autre côté de la clôture qui masquent les collines toutes proches l’été et me les laissent déjà deviner en ce mois de novembre, pourquoi y suis-je tant attachée, alors qu’ils sont même au-delà des limites du jardin ?
Ce jardin où je passe le plus clair de ma vie et qui n’est pas vraiment le mien puisque cette terre , je ne l’ai pas achetée ni même choisie,  quel est ce lien si fort qui m’y lie?
J’ai cru longtemps naïvement que je ne faisais que poursuivre le rêve de son propriétaire et m’aperçois, ces jours-ci qu’il n’en est rien, que je suis seule à m’y être si fortement attachée.
Peut-on aimer un lieu d’amour, celui que l’on donne avec plus ou moins de bonheur à nos semblables?
Ce que j’échange avec  ces végétaux, ceux que j’ai plantés et les autres , va bien au-delà de l’attachement commun des trois-quarts des jardiniers à leurs ouailles végétales!
Au coeur de ce jardin, je me sens beaucoup plus vivante, beaucoup plus moi même que nul part ailleurs et je souffre de voir mes forces décliner et de laisser tant de possibilités inabouties.
De quoi me suis-je détournée depuis ces dix dernières années pour accorder toute mon énergie à ces arbres, ces arbustes, cette terre si pauvre et caillouteuse?
J’ai passé un pacte avec ce jardin, je ne sais pas vraiment quelle en est la teneur, je sais seulement que  c’est extrème et exigeant, que cela ne s’arrêtera qu’avec la fin de ma vie.
Quoi qu’il m’en coûte et ce soir, comme la plupart du temps, j’en suis épuisée, j’ai l’étrange sensation de ne pouvoir être heureuse en faisant autrement, quelles que compensations que l’on puisse me proposer.
Aux pieds de mes arbres, je vis heureuse, je ne les quitterai jamais des yeux!
Bien que le « mes » ne convienne guère, c’est moi qui suis à mes arbres, pas l’inverse!
La vie passe et je revois à la baisse, mois après mois, ce que je comptais créer dans ce jardin mais l’essentiel est d’y rester, de m’en occuper, d’en prendre soin autant que je le peux, avec de l’aide ou sans.
Comme seule illustration , cette paire de gants dont je me suis défaite, il y a quelques mois, mes mains se sont tant musclées à les porter que je n’arrivais plus à les enfiler.

A eux-seuls, ils racontent, les courbatures, les tendinites, le découragement, la joie triomphante à caresser la nouvelle tige sur la charpentière abîmée, la lassitude des soirs d’été, posés sur le banc pour ne pas les mouiller en arrosant, la peur de la tronçonneuse que je maintenais difficilement, le besoin de toucher cette terre ocre, dont ils sont souillés bien que je ne les portais jamais pour planter un végétal.

J’ai changé de gants et d’idées et d’espoirs et de rêves mais si c’était la première paire de gants usées dans ce jardin, j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres…bien que rien ne soit moins sûr, c’est que mes mains se sont tant endurcies que mes nouveaux gants, les pauvres, sont bien rarement enfilés!

Published in: on novembre 26, 2009 at 7:14  Laissez un commentaire  
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Boutures d’amour, repiquage d’amitié

Il est des jours de joie et des jours gris au jardin de l’Aspre, d’ailleurs la météo est en accord avec mon humeur depuis deux jours, pluie intermittente et tramontane aussi violente que glacée!

Souvenez-vous, je vous avais parlé, il y a quelques articles de la pente du pistachier, ce nouveau chantier en cours.

delospermumAu sommet de la pente du côté gauche trône une cordyline pourpre, elle commence à former un tronc mais je l’ai plantée en 2004 et mon mari pour maintenir le talus qu’elle surplombe avait construit alors la première rocaille, plutôt des gradins en fait. Au pied de Princesse, la cordyline, j’ai ajouté juste après, sur les gradins, de ces petites étoiles roses qui galopent gaiement dans les pierres sèches.ficoïdes (5)
 Outre Manche, la plante s’appelle ‘Grain de riz ‘ en rapport avec la forme de ses feuilles succulentes et nos consciencieux botanistes l’ont nommée drosanthemum floribundum pour que tout le monde soit bien sûr de parler de la même chose.
Ces fleurettes roses m’ont été offertes par une amie qui découvrait alors notre jardin et y est revenue depuis sans être vraiment satisfaite de son évolution; comme tout un chacun, le jardin de l’Aspre ne plait pas à tout le monde à moins que ce soit ce que nous en faisons?  ficoïdes (8)
Quant à moi, j’ai gardé de délicieux souvenirs des balbutiements de notre jardin et quant il a fallu tailler dans le vif, non, plutôt dans le mort, puisque le drosanthème en 6 ans s’était enlaidi de toute une nappe de brindilles mortes sous un dessus toujours vert, cela m’a fait comme un pincement au coeur.
Sous des dehors bourrus, j’ai une sensibilité maladive, je ne m’en suis pas remise.
Depuis, je passe et repasse en évitant de regarder l’emplacement marronnasse que la taille a laissé et où le drosanthème devrait refaire des tiges vives.
J’en doute de plus en plus et l’angoisse monte; je me console en ayant récupéré patiemment hier tout ce qui pouvait faire des boutures, mais renseignements pris, je risque de n’avoir un résultat que de 15%, il devrait quand même en rester quelques repousses viables, sur tout un seau à vendanges!
Comme si le problème n’était pas assez compliqué comme ça, il ne serait pas raisonnable de réimplanter les plantounettes au même endroit, il est situé à l’aplomb de Gonzalès, un grand pin dont je ne vous ai pas encore entretenu et ces derniers temps le coussin rose s’hérissait de ses longues aiguilles doubles très difficiles à extirper.
Le jardin de l’Aspre évolue chaque jour, comme tout ce qui est vivant, certains changements me ravissent et d’autres me consternent, notre jardin est l’exact reflet de notre courte vie!
Que vais-je trouver à planter pour mettre Princesse la bien nommée cordyline, en valeur et sur quoi ne feront que glisser des aiguilles de pin??ficoïdes (6)
Où vais-je surtout placer mes boutures d’amour? En quelle situation agencer mes repousses d’amitié??

Published in: on novembre 9, 2009 at 11:02  Laissez un commentaire  
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